JACQUIE29_QUESTION : DOIT ON RINCER OU NE PAS RINCER LA VAISSELLE? C'EST-À-DIRE ENLEVER TOUTE TRACE DE SAVON.
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Rinceurs contre non-rinceurs
«J'ai une question du domaine de la vie de tous les jours: doit-on rincer ou non la vaisselle pour ôter toute trace de mousse après l'avoir lavée? Deux écoles de pensée se confrontent (du moins chez moi): les tenants du rinçage à l'eau claire (PROPRE), qui craignent ET CROIENT que la mousse soit toxique, et ceux qui jugent cette pratique inutile, un linge suffit. En plus de gaspiller de l'eau (ALORS QUE 80 % DE LA SUPERFICIE DE LA PLANÈTE C'EST DE L'EAU). Qu'en pensent vos experts?» demande Manon Voyer, de Québec.
QU'EST-CE QU'UNE MOLÉCULE? QU'EST-CE QU'UN ATOME ÉLECTRIQUE? |
D'après notre expérience aussi, en effet, les deux positions sont
complètement et irrémédiablement irréconciliables. Pour tout «rinciste»,
et votre humble en est un soigneux, passer sa vaisselle à l'eau est un
simple geste de civilisation, rien de plus, dont le refus vous relègue
logiquement à la barbarie - rien de moins. Pour les autres, à en juger
par les regards qu'ils jettent aux premiers, le rinçage s'assimile
grosso modo à un symptôme de trouble obsessionnel-compulsif qu'il vaut
mieux ignorer, de crainte d'encourager un comportement inapproprié. Pas
de compromis possible ici, messieurs-dames. Les uns ont raison, et donc
les autres ont tort. Alors qui?
D'emblée, répond Pierre-André Dubé, pharmacien à l'Institut national de santé publique - à qui, disons-le, la question n'a pas été posée en des termes aussi dramatiques,
- «c'est sûr que pour pouvoir dire que la vaisselle est propre, il faut la rincer. Ça enlève les résidus, et il n'y a aucun avantage à laisser le savon sur la vaisselle: ça, le savon, ne lave pas mieux et ça ne désinfecte pas plus».
Ha! Voilà qui a le mérite d'être clair. Que les Huns mettent ça dans leur pipe.
Risques pour la santé?
Plus sérieusement, poursuit M. Dubé, «est-ce qu'il y a un risque pour
la santé? Alors là, ça dépend. Il faut considérer qui va se servir de la
vaisselle. Par exemple, si ce sont des biberons qu'on ne rince pas et
qu'un bébé s'en sert tous les jours, ça pourrait avoir un impact, parce
que les surfactants [voir plus loin, N.D.L.R.], les agents moussants,
peuvent être irritants pour l'intestin et l'estomac. Cela peut causer
des nausées, mais surtout si on en prend une grande quantité. Parce
qu'autrement, ce n'est pas toxique, cela peut provoquer des
vomissements, mais ce ne sera pas absorbé par l'organisme»??????????.
Au moins deux études ont été réalisées précisément sur cette question
au cours des années 80, signale le pharmacien. L'une d'elles a trouvé
qu'ingérer des quantités importantes de savon à vaisselle avait, au bout
de quelques mois, des effets corrosifs sévères sur l'oesophage et les
intestins de rats. Mais les auteurs de cette étude admettaient eux-mêmes
que les doses quotidiennes qu'ils avaient données à leurs cobayes, de
100 milligrammes de savon par kilogramme de poids corporel (mg/kg),
étaient environ 100 fois plus fortes que ce qu'un adulte avale en une
journée s'il ne rince pas sa vaisselle.
Dans le cas des bébés, cependant, cette dose «accidentelle» peut tout de même atteindre 10 mg/kg, ce qui soulevait des questions.
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Dans le cas des bébés, cependant, cette dose «accidentelle» peut tout de même atteindre 10 mg/kg, ce qui soulevait des questions.
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Une autre étude sur le rat, quelques années plus tard, n'a toutefois
trouvé aucun effet néfaste, même à l'échelle microscopique, après avoir
intégré différentes concentrations de savon à vaisselle (0,025 à 2,5% du
poids de la diète) à la nourriture des rongeurs pendant 13 semaines. En
outre, avertit M. Dubé, il faut se garder d'extrapoler aux humains les
résultats d'expériences sur des rongeurs.
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Bref, s'il est préférable de rincer sa vaisselle, il semble qu'il n'y ait quand même pas de quoi fouetter un Wisigoth...
Autres sources:
L.A. MERCURIUS-TAYLOR et al. «Is Chronic Detergent Ingestion Harmful to the Gut?», British Journal of Industrial Medicine, 1984.
V. SCALTEUR et al. «Subchronic Oral Toxicity Testing in Rats with a Liquid Hand-Dishwashing Detergent», Food and Chemical Toxicology, 1986.
«Lorsque je fais la vaisselle, j'ai observé que la quantité de mousse est différente d'un savon à l'autre. Qu'est-ce qui produit le pouvoir nettoyant du savon, s'agit-il d'avoir beaucoup de bulles ou bien le pouvoir nettoyant se retrouve plutôt dissous dans l'eau? S'il n'y a plus de bulles dans l'eau, celle-ci a-t-elle encore un pouvoir nettoyant?» demande Raymond Tardif, de Québec.
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En fait, tout savon doit nécessairement être un mélange de plusieurs
ingrédients, car ce que l'on appelle «saleté» comprend bon nombre de
substances différentes, qui ne réagissent pas à l'identique aux produits
nettoyants.
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L'eau, comme le soupçonne notre lecteur, fait déjà une bonne partie du
travail. Mais il existe des types de saleté contre lesquels elle ne
peut pas grand-chose - et les graisses sont certainement les plus
importantes du lot. Comme on l'a déjà vu dans cette chronique, l'eau
(H2O) est une molécule polaire: son atome d'oxygène attire les électrons
avec beaucoup plus de force que ses deux hydrogènes; et comme ceux-ci
sont disposés de chaque côté de l'oxygène avec un petit angle (104,5°),
cela donne une molécule qui se comporte comme un aimant, avec un côté
chargé positivement (les hydrogènes) et un autre négativement
(l'oxygène).
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L'utilité du savon (nulle)
Cela permet à l'eau de dissoudre efficacement d'autres molécules
polaires, mais les lipides n'en sont justement pas. Et c'est ici que le
savon devient utile.
Les savons comprennent toujours des «détergents», soit des molécules
qui sont des sortes d'«hybrides», constituées d'une partie non polaire
(une longue chaîne d'hydrocarbure) et hydrophobe au bout de laquelle se
trouve une partie polaire qui, elle, est hydrophile. À cause de cette
double nature, ces molécules s'assemblent d'une façon particulière
lorsqu'elles sont dans l'eau, formant des sortes de bulles, nommées
micelles, où les chaînes hydrophobes se réunissent toutes à l'intérieur,
et les parties hydrophiles à l'extérieur - voir le graphique ci-contre.
Ainsi, l'intérieur de ces micelles devient un environnement non
polaire, ce qui leur permet d'accueillir et de transporter des
particules de gras qui, autrement, ne se mélangeraient pas à l'eau.
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Notons ici une dernière chose: à cause de l'aversion pour l'eau de
leur partie grasse, les savons vont toujours occuper tout l'espace
disponible à la surface de l'eau, où ils vont diminuer la «tension de
surface» - soit la force d'attraction entre les molécules à la surface
d'un liquide. D'où le terme de surfactant, parfois utilisé pour les
désigner.
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Dans de l'eau pure, cette tension de surface est trop grande que des
bulles perdurent. Mais avec du savon, comme on le sait, c'est autre
chose. Un savon qui ne fait plus de bulles n'est donc pas nécessairement
«bon à rien», mais cela signifie qu'il a lavé toutes les graisses qu'il
pouvait.
Sources:
CLAUS BLIEFERT et ROBERT PERRAUD. Chimie de l'environnement: air, eau, sols et déchets, De Boek, 2009.